Récit de bataille

Le champ de bataille c’est le coeur des gens

Épisode 6/9 : « Lorsque le pouvoir menace! »

Par Pierre Chopinaud

 

 

(Précédemment…)

Après la joie d’avoir accompli toutes  ensemble un coup d’éclat, une grande action,  où chacune avait su jouer au mieux sa partition, où chacune avait donner le meilleur d’elle-même, surmonter sa peur, pour  toutes les autres ; après avoir reçu nombreux message de soutien, d’encouragement et de félicitations de toute la France, il  fallut aux membres du collectif, au bout de quelques jours, quelques semaines, se rendre compte que sur un point au moins elles avaient échoué : elles n’avaient pas vu sortir du bois le loup.

“La pression commençait à monter. C’est une réaction chimique. C’est nous par notre action qui l’avions fait monter : nous avions commencé d’affecter le rapport de force et de le faire basculer.”

Après la grande action de lancement public racontée dans l’épisode précédent,  le drame du collectif des mamans était entré,grâce à France 5, à médiapart, à Kombini,  dans la maison de monsieur et madame tout le monde : “ Comment ? En France, en  2024, “on” empêche des enfants d’aller à l’école parce qu’ils sont pauvres ?

Mais ce “on” ce n’était pas “le grand méchant loup” de l’ histoire : M. le Recteur. le collectif des mamans n’avait pas réussi à lui donner un nom et un visage. Il était encore caché dans la pénombre de son bois. Il n’avait montré ni son nez, ni sa queue, et avait encore moins accordé le rendez-vous demandé par Mirela, meneuse du collectif, lors de l’action.. Lorsqu’une cible n’est pas visible ça veut dire que votre flèche ne l’a pas touchée, ça veut même dire que vous avez du mal la viser. “On” : c’est personne. On ne peut lancer une flèche sur “personne”. En revanche,  un certain nombre de gens puissants se sont sentis visés. La structure discriminatoire avait été affectée. 

Les maires des villes qui étaient mis en cause dans la plainte et dont certains médias avaient parlé ;  mais aussi les dirigeants de l’administration publique en charge de la lutte contre la pauvreté. Les flèches n’étaient pas tombées dans le désert. Le recteur avait peut-être esquivé mais d’autres responsables avaient été affectés. Ou peut-être :  il avait été touché mais avait envoyé d’autres exposer leurs plaies.

“Et il n’y pas de privilèges sans qu’il y ait en face des dépossédés. Ce dont certains jouissent c’est toujours ce dont certains sont privés. La structure organise cette inégalité.”

C’est alors que Lucile, une des membres de l’équipe meneuse, dans son bureau, a commencé à recevoir des appels des bureaucrates de l’administration publique. Le ton allait de l’amical conseil “ ça n’est pas comme ça qu’il faut faire” à la menace : “nous allons  faire couper les subventions publiques que vous recevez.” La pression commençait à monter. C’est une réaction chimique. C’est le collectif des mamans qui  par ses actions l’avait fait montée : le collectif avait commencé d’affecter le rapport de force et de le faire basculer. 

Lorsque le pouvoir menace c’est inquiétant mais c’est aussi bon signe : ça veut dire que la campagne d’actions est efficace. Ca veut dire que les offensés qui se sont mis en action ont construit déjà du pouvoir. Il faut évaluer la riposte, la considérer et s’adapter. Surtout ne pas céder. 

Lorsqu’on agit pour provoquer un changement structurel, la structure se défend, et si la structure remue c’est qu’elle a été affectée. Plus on l’affect,  plus elle est coriace, plus ceux qui jouissent de privilèges qu’elle leur accorde se sentent menacés. Et il n’y pas de privilège sans qu’il y ait en face des dépossédés. Ce dont certains jouissent c’est toujours ce dont certains sont privés. La structure organise cette inégalité. 

“Le changement n’était pas accompli. Mais les armes étaient encore bien chargées.

 

Bref. La menace était encore trop faible pour que le collectif des mamans change  de route et ses membres  avaient un goût d’inachevé : l’objectif de la grande action de lancement était d’être reçu par le grand méchant loup qui n’avait pas daigné se montrer. 

Par ailleurs le problème demeurait : chaque semaine, des parents se voyaient en mairie dans le 93 refuser l’inscription à l’école de leur enfant. Toujours pour le même motif : ils habitent dans un squat ou un bidonville ou à la rue. Toujours par le même moyen : un papier manque au dossier : le papier impossible à se procurer. Toujours dans la même illégalité. La loi était du côté des mamans. Le changement n’était pas accompli. Mais les armes étaient encore bien chargées.

Les héroïnes, les mamans du collectif, sont donc repartis au combat. Et puisque leurs armes étaient les bonnes, chaque fois elles gagnaient : les employés de mairie et les élus cédaient devant la crainte d’être condamnés par la justice et montrés du doigt dans la presse pour avoir empêché  un enfant pauvre d’accéder à l’école. Et c’était chaque fois des petites qui remplissaient leur coeur de mamans de joie et de fierté, c’est-à-dire de pouvoir. La pression continuait de monter et le teléphone de Lucile dans son bureau continuait de sonner. Dans le bois, les méchants s’agitaient ; les conseils et menaces des bureaucrates de l’administration publique devenaient de plus en plus rapprochés. 

Jusqu’à ce qu’un jour d’hiver, quelques mois après la grande action de rentrée scolaire :  tout fut au bord de s’effondrer. Alors que le collectif des mamans était  au plus haut de sa puissance, que le coeur de chacune etait gonflé d’amour, de joie et de fierté, que chacune sentait la grande victoire approcher, un retournement les  mena au bord de la défaite….

 

(La suite dans le prochain épisode….)

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